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Maison d’édition indépendante fondée en 1992


Comme la lune au milieu de l'eau

Art et spiritualité du Japon

Yoko Orimo



en stock
Collection : Le Prunier
Nombre de pages : 224
Format : 140x215
Date de parution : mars 2018
ISBN : 978-2-35432-309-7
16,50€
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Voici un magnifique essai sur l’esthétique japonaise où se reflète le cœur secret du Japon, ce lien intime avec la nature qui s’exprime tant dans la poésie que dans l’art du thé ou le théâtre nô.
L’auteur, Yoko Orimo, y propose une précieuse anthologie de poésie japonaise, replacée au sein du rythme des quatre saisons, regroupant de nombreux wakas et haikus. Elle explore les notions subtiles de wabi-sabi, de résonance, de beauté de l’éphémère qui sous-tendent les expressions artistiques japonaises, et elle nous fait découvrir la spiritualité du quotidien qui s’enracine dans les religions du shintô et du bouddhisme zen.
Une immersion dans la culture japonaise, toujours ancienne et toujours vivante, où se mêlent le visible et l’invisible.

Comme les traces du vent
Ayant emporté
Les fleurs de cerisier
S’élèvent des vagues
Dans le ciel sans eau

(Kino Tsurayuki)
Préface de Christian Bobin : Métaphysique des bébés
Introduction

Chapitre 1 – Poésie, hymne à la Nature
Poésie japonaise et quatre saisons
Wakas « chants traditionnels japonais »
Haikus

Éveil à la Résonance de l’univers

Chapitre 2 – Nature et Spiritualité
Nature, le fondateur du shintô « La Voie des dieux »
Shintô et l’au-delà
La permanence de l’impermanence

Chapitre 3 – Esthétique de l’éphémère
La fleur munie du cœur
La fleur, miroir du temps
Wabi-sabi

Chapitre 4 – L’art, une expérience de la Voie
L’art et la pratique du Non-moi
Au-delà de la frontière entre le saint et le profane, l’animé et l’inanimé
Au-delà de l’opposition du vrai et du faux
Emprunt et imitation

Un mot pour conclure

Liste des poèmes
Liste des auteurs cités
Bibliographie
Préface de Christian Bobin

Métaphysique des bébés

Je connais maître Dôgen par la traduction que Yoko Orimo fait de ses paroles et je connais Yoko Orimo par la manière dont maître Dôgen lui parle. Entre le treizième siècle et le vingt et unième, il y a une fenêtre. Il m’est arrivé de voir maître Dôgen passer devant, d’entendre le bruit de ses pas sur des aiguilles de pin. Le travail de Yoko Orimo est de maintenir ouverte cette fenêtre dans la muraille du temps.
Le Japon est un pays ni ancien ni moderne. Ce n’est pas un pays mais une façon paradoxale d’apprivoiser le tigre de l’éternel en tirant ses moustaches éphémères.
Moi, petit Occidental, nouveau-né de soixante-sept ans, je sais que les fleurs sont les temples du monde, avec leur cœur vide et la pâleur qui les change à l’automne en fantômes. Je ne sais pas d’où je le sais. Je retrouve cette illumination dans les éternuements de maître Dôgen ou, non séparable, dans l’ascétique recherche de Yoko Orimo.
La métaphysique des bébés est la seule qui ne trahisse ni la terre, ni le ciel. Elle les tripote, les agglomère entre ses fins doigts roses. L’ombre et la lumière sont sœurs jumelles. Le réel et l’irréel sont comme la fleur et la couleur de la fleur. Nos métaphysiques occidentales n’ont d’autre origine que celle d’une avidité, elle-même issue d’une angoisse infernale, d’un manque de confiance envers le vent sur les brins d’herbe. L’Occident exsangue, au bord de se dévorer lui-même, s’en va depuis quelque temps voler aux Orientaux ce qu’il croit être leur « sagesse ». Dans ce pillage il le dénature, le change en cela seulement qu’il comprend : des techniques, des recettes, des savoirs.
Mais la parole incompréhensible de maître Dôgen est pure intelligence : elle ne sait rien. Elle s’enroule autour de l’inconnu comme des liserons autour d’une barrière.
Le verre éteint des yeux d’un mort, le feu sans flamme des yeux d’un nouveau-né – on ne peut les fixer que quelques secondes. Ces quelques secondes sont celles qui font le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, le vrai, le faux. Ce que nous mesurons, devant celui qui est toute rigidité comme devant celui qui est toute souplesse, c’est le principe de délicatesse en quoi se déploie toute la vie. Le mort n’est plus touché par le monde, le bébé ne l’est pas encore. Tous deux sont comme des fleurs qui n’ont pas de raison d’être, qui passent, qu’il convient d’honorer avec des paroles fraîches – celles des poètes ou des prophètes.
Je sais qu’une parole est juste quand elle me tape sur le cœur, qu’elle bourdonne à mes tempes. Le travail de Yoko Orimo me donne, souvent, cette migraine bienheureuse, la joie d’avoir tout trouvé et de ne pouvoir rien dire de ce tout.